Depuis le mois d’octobre 2023, les Caravanes logement que j’organise avec les groupes d’action de la France insoumise sont passées dans 4 quartiers de Montpellier : Cévennes, Hauts-de-Massane, Celleneuve et Paillade.
Je remercie ici les militantes et les militants qui ont donné de leur temps et de leur énergie pour organiser chacune des étapes. Notre travail collectif me permet de tirer quelques analyses des échanges que nous avons eus.
Depuis le début de mon mandat, nombreuses sont les personnes à m’avoir fait part des difficultés qu’elles rencontrent en matière de logement. Demandes de logements (sociaux ou pas) sans réponse, problèmes de mal-logement, hausse des loyers, des charges, du prix de l’énergie, etc. : en quelques mois, à Montpellier comme partout en France, les difficultés ont augmenté considérablement. Or, quand les gens se tournent vers leur députée, c’est généralement qu’ils ont écoulé tous les recours institutionnels et locaux possibles sans avoir obtenu satisfaction.
Face au recul de l’État, la résignation ou l’action
Les politiques néolibérales successives ont causé le recul des services publics, des accueils physiques, la baisse des investissements financiers et humains partout. Dès lors, la tentation de la résignation est forte. En lançant cette Caravane, nous voulons participer à construire l’alternative populaire avec toutes les citoyennes et tous les citoyens qui veulent s’impliquer.
Mais qu’est-ce qu’une Caravane populaire de La France insoumise? C’est une campagne itinérante qui a, à chaque étape, plusieurs objectifs:
- Aller à la rencontre des habitantes et des habitants pour échanger autour de leurs préoccupations
- Présenter les propositions de notre programme et le travail parlementaire du groupe La France Insoumise
- Proposer un espace convivial où chacune et chacun peut venir discuter librement
Des gestionnaires et des opposants
Quelques chiffres
Le niveau de vie moyen et le pouvoir d’achat des Françaises et des Français diminuent d’année en année.
Le dernier rapport d’Oxfam indique que 25% des plus modestes consacrent 2 fois plus de leurs revenus aux dépenses de logement (soit 32% de leurs revenus) que les 25% les plus aisés (14,1% de leurs revenus).
Par ailleurs, dans son rapport de 2023, le Secours Catholique note “une féminisation de la pauvreté”: en 1989, les femmes représentaient 51% des adultes rencontrés par le Secours Catholique; cette part est de 57,5% en 2022.
Or, comme le rappelle Oxfam, le logement représente le premier poste de dépense pour les familles monoparentales, qui sont à 82% des femmes. Les familles monoparentales sont majoritairement locataires dans le parc social et, dans une moindre mesure, dans le parc privé.
Parallèlement, la Fondation Abbé Pierre alerte sur la pénurie des logements sociaux et les difficultés d’accès du parc privé pour les ménages modestes, si bien que ce sont désormais 2,3 millions de ménages qui sont en attente de logement social et 4,1 millions de personnes qui souffrent de mal-logement.
Partout, les demandes de logements sociaux explosent tandis que l’offre et la construction ne suivent pas. L’attribution de logements, en particulier des logements sociaux, relève de la compétence de l’État et des collectivités locales, au premier rang desquelles les mairies. Les parlementaires que nous sommes n’avons pas la main sur ces attributions. Si on peut admettre que les élus locaux soient eux-mêmes démunis à cause d’un manque de logements sociaux de plus en plus criant, alors leur devoir est de dénoncer l’action insuffisante du gouvernement comme nous le faisons à La France Insoumise, pas de s’en faire les comptables ou les gestionnaires.
En revanche, les députés ont le pouvoir de proposer des lois pour la construction de logements, l’amélioration de leur qualité, la lutte contre l’inflation. Et des propositions en matière de logement, nous en avons fait beaucoup depuis l’entrée des insoumis à l’Assemblée nationale en 2017, que ce soit sous forme de loi ou d’amendements. Le tract que nous avons distribué à l’occasion de cette Caravane en rappelle quelques unes:
- Augmenter à 35% le quota minimum de logements sociaux pour les communes tendues
- Lutter contre les logements vacants
- Interdire les expulsions sans proposition de relogement
- Soumettre à l’impôt les plateformes comme Airbnb et limiter la transformation des logements en location touristique
- Réformer l’ANRU pour favoriser les réhabilitations écologiques plutôt que les démolitions
- Investir 12 milliards d’euros pour la rénovation énergétique du bâti (nous avions gagné cet amendement à l’Assemblée nationale dans le Projet de Loi Finances de 2022 avant qu’il soit annulé par 49-3)
Montpellier n’échappe pas à la crise nationale qui touche le logement
Les gens que j’ai rencontrés témoignent ainsi de difficultés qui viennent confirmer les constats énoncés plus haut:
- Des demandes de logement social qui attendent depuis plusieurs années, parfois plus de 10 ans.
Cela donne parfois lieu à des situations absurdes. À la résidence Du Lac aux Hauts-de-Massane, j’ai rencontré une famille de 6 personnes qui vivait dans un T2, puis un couple de personnes âgées, dont les enfants ne vivaient plus sous le même toit depuis longtemps, et qui voulaient passer d’un T5 à un T2 sans avoir de proposition. Dans les 4 quartiers, j’ai rencontré des gens qui doivent monter des étages alors qu’ils ont un handicap physique et qu’ils demandent donc à loger en rez-de-chaussée.
- Des loyers trop chers qui plombent parfois jusqu’à plus de la moitié du budget chaque mois.
Ce même couple âgé prisonnier d’un appartement trop grand se retrouve à payer un loyer qui correspond à la petite retraite qu’ils touchent pour eux deux.
- La hausse des coûts de l’énergie.
C’est quasiment la totalité des personnes rencontrées qui estimait avoir trop chaud l’été et trop froid l’hiver. La plupart font alors le choix de moins voire de ne pas se chauffer, c’est dramatique. Par ailleurs, dans une ville comme Montpellier, qui subit de plein fouet le réchauffement climatique, avec des chaleurs qui durent de plus en plus longtemps, la rénovation énergétique des bâtiments est vraiment urgente.
- Des logements indécents voire insalubres.
Des dizaines de témoignages relatifs à des problèmes d’humidité, de coupures d’eau, d’invasions de nuisibles et autant de travaux et d’interventions nécessaires que les bailleurs tardent à faire, cela revient à condamner les locataires à subir l’accumulation des problèmes qui rendent leur quotidien invivable (moisissures, fuites d’eau, nuisibles dans l’appartement,…). Une mère de famille des Hauts de Massane me disait être tombée en dépression à cause de ces accumulations.
Les habitantes et les habitants déplorent le manque de considération de la part des acteurs du logement
Les habitants, notamment les plus pauvres, se sentent considérés comme des numéros de dossier lorsqu’ils sont en attente d’une réponse à leurs problèmes de logement.
Beaucoup m’ont fait part du mutisme des institutions face à leurs interpellations et à leurs demandes en matière de logement. La dématérialisation des services publics du logement dresse un mur entre les institutions et les habitants. Avoir un toit décent est pourtant un droit fondamental : il est nécessaire de réhumaniser la politique publique du logement.
Par ailleurs, je constate l’infantilisation à l’égard des habitants concernant le logement. Plusieurs ont refusé des propositions de logement social pour des raisons dont ils et elles estiment qu’elles sont légitimes : difficultés d’accessibilité, distance avec le lieu travail, taille inadaptée du logement, etc. Ces personnes voient alors leurs demandes rester lettre morte si bien qu’une proposition de logement inadaptée devient de facto un ultimatum : soit les demandeurs l’acceptent, soit ils restent dans la situation problématique dans laquelle ils se trouvent. Autrement dit, dans les deux cas, il leur est demandé de se résigner à vivre dans un logement inadéquat. Il est déplorable d’assister à ce mépris des plus pauvres et des plus précaires.
Enfin, plusieurs personnes m’ont indiqué soupçonner une forme de discrimination dans l’accès au logement. Dans une étude de 2021, l’Observatoire des inégalités indiquait “Le fait d’avoir un nom de famille d’origine maghrébine ou d’Afrique de l’Ouest réduit fortement la probabilité d’obtenir une visite pour louer un appartement.” Les associations des quartiers de Montpellier m’ont aussi interpellée sur ce sujet. Il semble donc que là encore Montpellier n’échappe pas à ces funestes pratiques.
Construire des logements… mais lesquels ?
Le rapport d’OXFAM sur les inégalités dans le logement rapporte précisément comment l’État se désengage progressivement de la production de logement social. Dans son rapport sur l’état du mal-logement en France en 2023, la Fondation Abbé Pierre rappelle qu’on est passé de 124.000 logements sociaux financés en 2016 à 95.000 en 2021 et sans doute autant en 2022 (alors qu’Emmanuel macron avait promis 250.000 logements sociaux en 2021 et 2022).
Cette austérité budgétaire permet l’entrée dans le financement du logement social de nouveaux acteurs privés à la recherche de profit. C’est ainsi que s’est développé le logement locatif intermédiaire : destiné aux jeunes travailleurs de la classe moyenne, il permet notamment de faire bénéficier les propriétaires d’un certain nombre d’exonérations fiscales. Il devient alors plus intéressant de produire ce type de logement que des logements sociaux destinés aux plus modestes. Par ailleurs, dans les opérations de rénovation urbaine, l’État autorise le remplacement de logements sociaux par du logement intermédiaire. Ainsi à Montpellier, le projet de rénovation urbaine de la Mosson prévoit la destruction de près de 650 logements et la reconstruction d’autant. Mais de nombreux logements intermédiaires sont prévus, sans que soit précisé le nombre. Le projet mentionne à plusieurs reprises la “diversification de l’habitat”. En comparaison, aucune information claire n’est donnée sur le nombre de logements très sociaux qui seront construits.
De même, la taille des logements n’est pas précisée : parmi les personnes qui m’ont sollicitée, nombreuses sont les familles à avoir besoin d’un logement plus grand pour que tous les enfants ne dorment pas dans la même pièce. De même, de nombreuses personnes vivant seules ne trouvent pas de logement adapté : ceux qui leur sont proposés sont souvent trop grands donc trop cher pour elles et eux. Or il n’est donné aucune indication par la mairie sur la taille des logements qui vont être construits dans la ville.
“Gouverner, c’est d’abord loger son peuple”, l’Abbé Pierre
Cette citation se trouve sur la façade d’un bâtiment de la Rue du Faubourg de Nîmes, à la station Corum. Elle rappelle que se loger est un droit fondamental. La crise que nous traversons est inconcevable dans la 7e puissance mondiale.
La Caravane logement se poursuivra dans d’autres quartiers de Montpellier.