J’écris ici pour revenir sur 10 jours passés au pays de l’Oncle Sam. Ils auront été bien occupés, riches en rencontres politiques, sociales, syndicales, militantes. J’y étais avec Rachel Keke, députée désormais bien connue du Val-de-Marne. Cela a été l’occasion pour moi de mettre en pratique mon anglais, langue que j’ai enseignée pendant presque 10 ans et que j’ai d’abord apprise par le théâtre de Shakespeare. C’est ce que j’ai expliqué à Bernie Sanders, lorsqu’il m’a demandé, avec un étonnement non dissimulé, où j’avais appris à parler l’ « anglais anglais ».
Ce déplacement fut d’abord l’occasion de tisser des liens avec les Français insoumis et NUPES d’Amérique du Nord. Ils ont déployé une organisation intéressante, d’autant plus dans une circonscription aussi étendue et disparate, qui comprend à la fois les États-Unis et le Canada. Leurs campagnes de porte-à-porte et de mise en réseau entre villes nord-américaines n’auront probablement pas été pour rien dans le résultat très honorable de la candidate NUPES en juin 2022. Elle s’était qualifiée au second tour à seulement 2 points derrière Roland Lescure, actuel ministre macroniste. Quand on sait qu’en 2017, le second tour se jouait entre LREM et LR, la progression est fulgurante et a fait couler quelques gouttes de transpiration à Roland Lescure. Cela signifie que le rejet grandissant de la Macronie et du libéralisme insupportable qu’elle incarne s’est étendu à des secteurs qui leur étaient jusqu’alors favorables. En réalité, l’effondrement du macronisme était annoncé dès le moment où il a eu accès au pouvoir. Il porte en lui le germe de son auto-destruction parce qu’il mène à l’impasse sociale, politique et écologique.
Bien évidemment, l’un des principaux sujets de discussion, avec toutes les personnes que nous avons rencontrées, a été la réforme des retraites et la mobilisation qu’elle a fait naître en France. Aux États-Unis, le libéralisme a fait un maximum de dégâts, si bien que sans épargne retraite, les pensions sont bien insuffisantes. On connaît la chanson : ce sont alors les plus pauvres et les plus précaires qui trinquent et qui se voient condamnés à travailler jusqu’à la mort. Pour savoir ce que Macron cherche à mettre en place en France, il faut se tourner vers les pays anglo-saxons. Les libéraux ne sont jamais originaux : d’un pays à l’autre, ils s’empruntent les mêmes arguments, cherchent à reproduire les mêmes modèles destructeurs et à tout transformer en marché. Or, c’est précisément dans les pays anglo-saxons que l’on mesure le mieux les conséquences et les limites de leur modèle. La misère y est encore plus visible, les corps sont brisés, la malbouffe, les addictions, la folie s’y répandent. Par ailleurs, ce que l’on se garde bien de nous dire, c’est que les États-Unis ont encore enregistré une baisse d’espérance de vie record en 2022, tandis que les Américains perdent chaque année quelques mois d’espérance de vie depuis 2014.
Mais il existe aussi aux États-Unis des lieux où la résistance au libéralisme s’organise, dans des formes plus ou moins affirmées. Avec Rachel Keke, nous avons eu l’occasion d’échanger avec les Democratic Socialists of America de New York. Cette formation politique a notamment porté la candidature d’Alexandria Ocasio-Cortez à la Chambre des Représentants, et soutenu celle de Bernie Sanders pour les primaires des Démocrates. Ses militants défendent par exemple le salaire minimum à 15$ par heure, une sécurité sociale américaine ou encore l’université gratuite. Côté syndical, des luttes existent : nous avons rencontré des grévistes de Keolis, d’Amazon et des militants syndicaux de plusieurs secteurs. Ils ont d’autant plus de mérite d’exister qu’aux États-Unis, on ne compte plus les législations qui mettent des bâtons dans les roues des tentatives d’organisations syndicales. Sûrement un autre souhait à peine caché des macronistes : ne plus être embêtés par ces vilains syndicalistes qui distribuent des cartons rouge et des sifflets aux abords du Stade de France quand Jupiter doit s’y montrer.
Enfin, j’ai eu le plaisir de m’entretenir au Congrès, à Washington, avec Bernie Sanders, dont la campagne pour la primaire avait un grand nombre de points communs avec celles de La France Insoumise, que ce soit en termes de justice sociale, de réduction du temps de travail, ou de considérations pour la jeunesse, pour ne citer que ces trois aspects. C’est la première fois qu’une rencontre entre La France Insoumise et Bernie Sanders a lieu. Le contexte politique et social en France a sans doute compté. Mais très certainement aussi le fait que Sanders ne soit plus en campagne, et donc ne soit plus soumis à des pressions externes et internes. Rachel et moi avons également rencontré Ilhan Omar, représentante au Congrès, autre figure de la gauche américaine. Au-delà de la portée symbolique de ces rencontres, il faut y voir l’élargissement de l’aspiration internationaliste que nous portons à La France Insoumise. Les échanges mondiaux ne sont pas voués à être uniquement marchands et financiers. D’un côté et de l’autre de l’Atlantique, des voix s’élèvent contre le capitalisme financier et le libéralisme. Les combats menés en France depuis 3 mois contre la réforme des retraites sont cités en exemple. La nécessité de ne pas laisser Macron dérouler son agenda est d’autant plus criante : on nous regarde dans le monde.
Alors, en avant pour faire du 1er mai 2023 une nouvelle date majeure dans le mouvement contre la retraite à 64 ans. Faisons honneur aux grévistes de Chicago qui revendiquèrent la journée de 8 heures de travail, certains au prix de leur vie. Rappelons-nous ainsi que le 1er mai est une journée internationale qui célèbre la lutte et les conquêtes sociales d’un côté et de l’autre de l’Atlantique.